Droit de la consommation et actifs numériques: une influence croissante aux effets concrets
Si la rĂ©glementation financiĂšre europĂ©enne constitue le terrain privilĂ©giĂ© du dĂ©veloppement du droit applicable au secteur des actifs numĂ©riques, une Ă©volution plus discrĂšte mais non moins significative liĂ©e Ă lâapplication des rĂšgles destinĂ©es Ă protĂ©ger les consommateurs sâest manifestĂ©e avec une certaine vigueur ces derniers mois.
Les manifestations de cette Ă©volution ont parfois consistĂ© en lâadoption de nouveaux textes comme la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant Ă encadrer lâinfluence commerciale et Ă lutter contre les dĂ©rives des influenceurs sur les rĂ©seaux sociaux dont la conformitĂ© au droit de lâunion europĂ©enne est dĂ©jĂ contestĂ©e. Ce texte qui comprend un volet visant lâinfluence dans le secteur des actifs numĂ©riques a, dâune part, codifiĂ© Ă droit constant certaines rĂšgles Ă©parses applicables Ă la publicitĂ© dans le secteur de lâinfluence en ligne et, dâautre part, en a entĂ©rinĂ© de nouvelles applicables en particulier aux contenus promotionnels de services sur actifs numĂ©riques publiĂ©s sur les rĂ©seaux sociaux.
Toutefois, lâapplication de rĂšgles protectrices du consommateur dans le secteur crypto/web 3 sâest surtout matĂ©rialisĂ©e Ă textes constants par le biais dâĂ©volutions dâorigine jurisprudentielles.
Deux rĂ©centes affaires particuliĂšrement topiques viennent illustrer ce constat. La premiĂšre sâinscrit dans prolongement de lâarrĂȘt rendu par la cour dâappel de Montpellier le 21 octobre 2021, la Cour de cassation ayant confirmĂ© la possibilitĂ© pour les juridictions françaises de traiter des litiges entre les plateformes dâĂ©change Ă©trangĂšres et les utilisateurs français devant les juridictions nationales (1Ăšre civ., 28 juin 2023 n° 22-12.424). Ce faisant, elle souligne l'Ă©tendue de la protection accordĂ©e aux consommateurs français dans l'espace numĂ©rique, et ce, y compris dans leurs relations avec des plateformes ou services cryptos implantĂ©s dans dâautres pays de lâunion europĂ©enne.
La seconde, rendue par la 13e chambre du tribunal correctionnel de Paris le 21 juin dernier intĂ©ressera tous les porteurs de projets DeFi. Elle implique une obligation de transparence et de communication explicite en imposant, sous peine de qualification en pratique commerciale trompeuse par omission, aux protocoles et projets dâinvestissement une mention claire et explicite des frais de transactions et de retrait applicables et ce mĂȘme si ceux-ci sont transparents dans le code et quâaucune manĆuvre volontaire de tromper lâutilisateur nâest caractĂ©risĂ©e.
Ces affaires viennent par un effet de rattrapage, appliquer aux acteurs du Web3, des solutions traditionnellement retenues dans le secteur de la vente de biens et de services en ligne alors que les rĂ©glementations spĂ©cifiques au secteur crypto sont en cours dâadoption ou nâentreront en vigueur que dans lâavenir.
Selon les mots du PrĂ©sident de la 13e chambre correctionnelle de Paris en charge des affaires de cybercriminalitĂ©, cette dĂ©cision vient rappeler que « mĂȘme dans la cryptosphĂšre, les rĂšgles de base du code de la consommation qui protĂšgent les consommateurs pouvaient trouver Ă sâappliquer. (...) En jugeant ainsi, alors que câest un secteur non rĂ©gulĂ©, nous y mettons un peu de rĂ©gulation, ou du moins nous disons quâelle y Ă©tait dĂ©jà ».